28/08/2008

En France, des motivations non religieuses

L’instruction à domicile des élèves entre utopie et cauchemar

Article publié dans le Monde Diplomatique en Août 2008.

Violences scolaires, inefficacité du système d’éducation nationale, risques de « contamination culturelle » dans les cours de récréation : ces thématiques ont depuis longtemps franchi l’Atlantique. Et, avec elles, la tentation de l’école à domicile. En 2000, le ministère de l’éducation nationale recensait quelque mille enfants instruits par leurs parents. En 2006, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) en dénombrait plus de deux mille huit cents. A présent, on compterait cinq mille enfants en âge d’être scolarisés mais dont les parents ont choisi l’instruction à domicile.


Le fait que l’école n’est pas obligatoire en France demeure méconnu. L’instruction seule est un devoir, mais elle « peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix », comme l’indique le code de l’éducation (art. L.131-2).


Les adeptes de cette dernière méthode sont toutefois obligés de se déclarer aux autorités en début d’année et de se conformer au contrôle annuel des inspecteurs de l’éducation nationale. Ils ne bénéficient pas de l’allocation de rentrée scolaire, au grand dam des défenseurs de ce système, qui revendiquent une égalité de traitement avec les familles choisissant les établissements publics ou privés.


Trois associations se partagent le terrain de l’éducation à domicile dans l’Hexagone. La plus ancienne, Les Enfants d’abord, regroupe quatre cent cinquante familles et célèbre cette année ses vingt ans d’existence. « La législation ayant tendance à se corser, il est difficile de dire que la communauté française d’éducation à domicile va continuer à s’accroître », explique MmeMarianne Dethier, membre du bureau de l’association. Elle-même a éduqué ses deux bambins pour, explique-t-elle, « pouvoir mener une vie itinérante ».


Contrairement aux Etats-Unis, le facteur religieux ne constitue pas en France un élément déterminant. « La plupart des parents retirent leurs enfants de l’école parce qu’ils jugent que cette institution ne respecte plus les rythmes des élèves. Beaucoup sentent qu’ils peuvent faire mieux que l’école. D’autres invoquent des motivations philosophiques ou liées à la violence de l’école », explique Mme Sylvie Humeau. Regrettant d’être « systématiquement taxée de sectarisme », cette militante de l’association Libres d’apprendre et d’instruire autrement se réfère à des théories pédagogiques alternatives. Celle, par exemple, de Maria Montessori (1870-1952), médecin italienne qui développa un système pédagogique fondé sur l’autodétermination et la curiosité naturelle de l’enfant. « Nous cherchons à redonner du sens à l’instruction et refusons le modèle de l’apprentissage pour l’apprentissage », revendique Mme Humeau.


Julien Brygo.